Déménagement
Le blogue Autour d'O déménage. La nouvelle adresse du site est la suivante : http://reage.blogsome.com.
Les billets seront transférés petit à petit.
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Une idée simple : créer la page facebook de Pauline Réage, cette clandestine auteur d'Histoire d'O.
http://www.facebook.com/pages/Pauline-Reage/18196474546
Les témoignages sur cette oeuvre et sur cette femme étonnante sont les bienvenus.
Une version intégrale d'Histoire d'O (suivi de Retour à Roissy) sous format pdf est disponible dans le web. Heureuse initiative.
Malheureusement, la belle préface du Prince de la Belle ne s'y trouve pas.
"Il y a un livre que j'ai aimé pour de mauvaises raisons : c'est Histoire d'O; j'ai eu des degrés dans ma perception d'Histoire d'O. Je me souviens très bien quand je l'ai acheté : c'était en 1954, peu de temps après sa parution. C'était un livre qu'on jugeait alors scandaleux; je suis allée dans une librarie près de la gare Saint-Lazare, j'ai emporté le livre et je l'ai lu à Dakar, où j'avais rejoint un homme. Je me séparais de mon mari. On dit que dans la littérature érotique, il y a identification. Moi je m'identifiais à sir Stephen et pas à O. Donc, ce qui m'attachait tellement à ce texte audacieux c'était encore plus audacieux ! C'était le désir de dominer et de dominer une femme ! Ma réaction était curieuse, parce que j'étais partie rejoindre l'homme dont j'étais amoureuse; j'aurais dû comprendre le sens profond de ce livre. Eh bien, il a fallu que je tombe amoureuse, bien des années après, de Jean-Jacques Pauvert, pour comprendre enfin ces modulations hardies de l'identité du sexe. C'étaient la conjugaison et la grammaire de l'érotisme."
Régine Deforges dans L'Érotique des mots, Éditions du Rocher, 2004, pp. 102-103.
«Un jour, Paulhan m'a dit, légèrement agacé : "Enfin, c'est insupportable, vous trouvez moyen de faire remarquer que vous êtes effacée."
J'ai
répondu : "Mais je ne fais rien..." C'était spontané, je ne faisais
absolument pas exprès... Est-ce un goût ou une fatalité ? Clandestine ?
Oui, il faut croire que c'est une vocation, j'ai toujours pensé que
c'était une vocation.»
Vocation clandestine
Entretiens de Dominique Aury avec Nicole Grenier
(1999) Collection L'Infini
Gallimard
"
Grâce au Ciel, mon malheur passe mon espérance. "
Elle s'est tue, la voix
de la scandaleuse, de la secrète, de l'enfant amoureuse de son père et de la
mer, de la nonne laïque, de la douce et tendre, de l'amante, de la fidèle, de la
liseuse, de la passante, de la sueur...
La voix de l'auteur d'Histoire d'O
: Dominique Aury, alias Pauline Réage, dont le véritable prénom était Anne...
Je l'ai connue il y a
une trentaine d'années. J'étais une jeune libraire enthousiaste ; elle,
l'écrivain d'un seul livre. Mais quel livre : Histoire d'O ! Je l'avais
lu presque en cachette ; j'avais vingt ans et j'étais à la recherche de textes
forts, bouleversants. Cette fois-là, j'avais été servie !
Ce livre devait
m'accompagner de nombreuses années durant. A chaque nouvelle lecture, j'y
découvrais des univers inconnus de moi et dans lesquels je ne pénétrais qu'avec
trouble, ravissement et, quelquefois, réticence.
Au fil des ans, ma perception
du roman a changé. Au début, je me figurais très bien en sir Stephen. Plus tard,
devenue amoureuse à mon tour, j'ai vite su que je pouvais être O, la soumise,
celle qui ose, celle qui a le cœur d'aller au bout de ses désirs, de ses
phantasmes les plus obscurs, les moins avouables.
En ce temps-la, je ne
m'imaginais pas que je pourrai, un jour, rencontrer l'auteur de ce livre qu'on
vendait alors sous le manteau et dont on ne parlait qu'avec gène. Je dois à
Jean-Jacques Pauvert, son éditeur - à qui j'avais fait part de mon admiration -,
d'avoir pu faire sa connaissance. Je me souviens très bien de ce premier
rendez-vous ; c'était au commencement de l'été, dans un restaurant de
Saint-Germain-des-Prés. La surprise me rendait muette. Quoi ?
C'était cette dame sobrement
vêtue de bleu marine, qui parlait d'une voix douce comme une caresse de ce
qu'elle était, avec des cheveux clairs encadrant un visage fin, de belles mains,
cette dame à l'air calme et réservé, qui était l'auteur de ce livre que j'aimais
et dont il ne fallait parler qu'à mots couverts ? Nous sommes devenues
amies, vite unies par notre amour des livres et notre curiosité des choses de
l'amour.
Elle confiait que j'étais tout ce qu'elle n'était pas : audacieuse,
lumineuse, forte et fragile à la fois. Elle nourrissait pour moi une indulgence
de grande sœur, m'appelait " ma petite enfant " et sa main vint me guider dans
mes premiers écrits. Elle faisait montre à leur égard d'une bienveillance qui ne
s'est jamais démentie.
Et son amitié fit qu'un jour elle accepta de répondre à
mes questions, puis que cela devienne un livre. Nous nous réunissions deux fois
par semaine, tantôt chez l'une, tantôt chez l'autre, tantôt au bar des hôtels
que nous aimions. Je branchais mon magnétophone et nous parlions. D'érotisme.
bien sûr, mais aussi de Dieu, de poésie, de la mort, de la guerre, de
l'humiliation, de la torture, de l'enfance, de littérature, de Bossuet, des
hommes qui avaient traversé sa vie et de la jalousie quelle prétendait ignorer.
De ces entretiens est sorti O m'a dit. Et je dois à ce témoignage
d'amitié d'avoir surmonté ma peur d'écrire. De cela, je suis à jamais redevable
à Dominique Aury. O m'a dit est un livre sincère où ni Pauline Réage ni
moi n'avons triché. Il a su lui prêter de l'aide quand elle supportait un deuil.
Il m'a permis de devenir écrivain.
Si Dominique Aury
n'a écrit qu'un seul roman, elle a par contre traduit beaucoup d'auteurs de
langue anglaise et rédigé de remarquables préfaces. Lecture pour tous, le
titre sous lequel elles furent réunies, devait d'ailleurs donner son nom à une
émission littéraire, célèbre dans les années soixante et soixante-dix.
Elle était aussi
poète, un poète sensible et exigeant. Ses vers n'ont été publiés qu'en revue et
je rêvais de leur offrir un habillage digne d'eux et de mon affection. Cela
faisait sourire Dominique Aury car, disait-elle, " qui voulez-vous que cela
intéresse ? " Je n'ai pu mener à bien cette publication. Tout juste ai-je pu
glisser quelques-uns de ses vers dans une anthologie de poésies écrites par des
femmes.
"
Dans la prison enchantée
L'envers du "tonde brodant
Fallait-il tant désirer
Quitter l'ombre
pour le vent
Fallait-il poursuivre un songe
Au passant fallait-il croire
Il n'a dit qu'un seul mensonge
Le mensonge est
dans l'espoir... "
Ma douce amie, mon
enfant, ma sœur s'en est allée. Je la sais dans l'air du soir, entre les pages
d'un livre aimé, enfin délivrée d'elle-même.
" Vous n'êtes plus à vous, vous
vous reposez de vous, vous êtes emportée dans le tumulte et la flamme à quoi
vous vous êtes donnée. " J'espère qu'elle s'est abandonnée à Celui qui sait et
qu'entre ses mains, l'herbe noire reverdit.
Par Régine Desforges, dans le journal L'Humanité le 5 mai 1998.
Histoire d’O paraît sous le nom de Pauline Réage
juin 1954
J’ai lu Histoire d’O peu de temps après sa parution et cela a été un choc pour la jeune femme que j’étais alors.
Par la suite, j’ai relu ce roman presque chaque année, durant dix ans, puis deux ou trois autres fois depuis, découvrant lors de ces nouvelles lectures des choses qui m’avaient échappé.
Je me souviens qu’à l’époque, je ne comprenais rien à O, sa soumission aux désirs de son amant m’était insupportable :il a fallu, qu’à mon tour, je sois amoureuse, pour comprendre jusqu’où on pouvait aller pour l’amour d’un homme. Aussi, lorsque Jean-Jacques Pauvert me proposa de rencontrer cet auteur mythique, j’acceptai avec joie et avec une certaine appréhension. Dès notre première rencontre, je fus séduite par Dominique Aury, par sa gentillesse et sa simplicité.
J’étais surprise qu’elle fût si éloignée de l’idée que je me faisais d’un écrivain ayant écrit un livre aussi dérangeant.
Rien en elle ne révélait « l’érotomane » qu’elle était en réalité ; elle cachait bien son jeu. Son apparence discrète lui permettait d’aller plus loin dans la découverte de l’érotisme sans que cela puisse choquer qui que ce soit. Cela me troubla et me donna à réfléchir. Au fil des ans, notre amitié se développa et elle accepta de répondre à mes questions sur l’origine d’Histoire d’O et pourquoi elle l’avait écrit ; cela donna O m’a dit, un livre cher à mon cœur.
Pendant de longues heures, elle répondit à mes questions ne cachant rien de ses fantasmes ni de ceux de cet amant pour lequel elle avait écrit ce livre qu’elle savait devoir le troubler et, peut-être, l’effrayer. « Je voulais qu’il m’aime malgré ça », me disait-elle avec cette fierté dans la soumission qui la faisait ressembler à son héroïne. J’étais agacée par tant de docilité face aux humiliations qu’imposait sir Stephen à O ne comprenant pas que ce fût dans la servitude qu’O était grande et dominait son amant.
Histoire d’O eut sur ma génération et celles qui suivirent une importance que nous réalisâmes longtemps après : une femme osait dire ses désirs les plus secrets et nous délivrait de la honte attachée à leurs réalisations.
Régine Deforges
écrivain, éditeur